Les Noces de Figaro célébrées à Toulon
C’est dans ce magnifique Opéra de Toulon, théâtre néo-classique d’inspiration byzantine dont l’inauguration eut lieu en 1862 -soit 13 ans avant l’Opéra Garnier- que Figaro scelle de nouveau ses Noces. L’opéra « bouffe » inspiré de Beaumarchais, d’un genre typiquement italien, est l’œuvre d’une collaboration étroite et complice entre Mozart et Lorenzo da Ponte, comme la belle alliance entre texte et musique le rappelle une fois encore. Cette production évolue dans une mise en scène de Christian Gangneron sans artifice, efficace et solide, où les décors sont parfaitement harmonisés avec les costumes.
Le rideau se lève, la lumière légèrement tamisée (imaginée par Marc Delamézière) et les couleurs tendres se fondent pour créer une atmosphère chaude et atemporelle. Seul un fauteuil blanc trône dans un coin de la scène. Figaro entre, la stature de David Bizic est imposante : cette carrure serbe nous fait entendre une voix de baryton-basse profonde, juste et timbrée. Ce Figaro-là, n’en est pas à son coup d’essai, ayant déjà chanté à plusieurs reprises ce valet de chambre honnête, rebelle et foncièrement vertueux. C’est dans la cavatine de la scène 2 et dans l’air Non Più Andrai de la fin de l’acte I que David Bizic dévoile toute la malice du texte imbriqué dans la musique de Mozart.
Les Noces de Figaro par Gangneron (© Frédéric Stéphan)
Suzanne s’affaire, virevolte, s’agite sous les yeux du public, charmé devant tant de fraîcheur et de naturel. Soprano délicate Giuliana Gianfaldoni nous fait entendre une voix claire et précise, parfaitement projetée. Sa ligne vocale nette et perlée accentue le côté malicieux et espiègle de son personnage. Une petite pointe citronnée dans les aigus renforce sans aucun doute un caractère juvénile et frais. Son omniprésence sur scène en fait l’un des personnages clé de cet opéra.
Arrive dans la pièce un Cherubin affolé, tonitruant. Ce page du Comte (rôle travesti afin de dégager la pureté et la légèreté de l'enfant) est interprété par la magnifique mezzo-soprano Anna Pennisi. Ses deux airs Voi che sapete et Non son più cosa dévoilent une voix chaude, souple, tendre parfois et parfaitement juste. Les applaudissements sont fournis après ses interventions.
Les Noces de Figaro par Gangneron (© Frédéric Stéphan)
Michal Partika, Comte Almaviva jaloux et impulsif, est souffrant mais il décide malgré tout de chanter le rôle. Heureusement, dès ses premières intonations, tout semble parfaitement en ordre de marche. Le timbre est clair, léger et l’émission n’est pas forcée. De surcroît, ce baryton polonais s’exprime intelligiblement, dans un italien parfaitement maîtrisé.
Camila Titinger endosse le rôle de la Comtesse Almaviva. Ses débuts sur la scène française sont une véritable réussite. Sa voix puissante, lyrique et chaleureuse colle parfaitement avec la stature de la Comtesse. Dans le troisième acte, l’intrigue monte en puissance et les tensions se font sentir. Mozart exploite les possibilités vocales de ses personnages : la Comtesse et le Comte sont au zénith. Douloureuse et tout en contrôle, la jeune soprano brésilienne se lance dans le Dove son i bei momenti de la scène 8 de l’acte III. Certes, elle ne porte pas dans son timbre le dramatique d’une Renée Fleming mais le public ne s’y trompe pas, les applaudissements sont intenses et saluent une interprète de premier plan.
Les Noces de Figaro par Gangneron (© Frédéric Stéphan)
Les autres personnages ne sont pas en reste et tiennent une place de choix dans cette production. Sophie Pondjiclis, mezzo-soprano dans le rôle de Marcellina ainsi que Marc Barrard, baryton dans celui du Docteur Bartolo avec son La vendetta, oh ! la vendetta du Ier acte, montrent des voix d’une extraordinaire richesse, sublimement nuancées. Une voix pure, haute mais non forcée, pleine et bien centrée se fait entendre au fil de la soirée : Don Basilio, le Maître de musique du Comte, parfaitement bien défendu par l’un des deux ténors de cet opéra, Eric Vignau. Cyril Rovery, en jardinier, Antoine Chenuet en Don Curzio et Eléanore Pancrazi en Barbarina ont, dans leurs rôles secondaires, su mettre en valeur leurs personnages.
Enfin la fine baguette d’Eun Sun Kim, une jeune chef d’orchestre coréenne qui fera assurément parler d’elle, contrôle chaque mouvement de ses musiciens du magnifique Orchestre de l’Opéra de Toulon et dévoile toute l’élégance et la profondeur de la partition.
Les Noces de Figaro seront données le 27 Juin 2017 au Théâtre des Champs-Élysées, réservez dès à présent vos places (à partir de 30 €) en suivant ce lien.